Superfinale, suite
Il m'a fallu une manche et demie pour digérer toutes les péripéties malsaines de cette compétition.
Hier, le moral au fond des chaussettes, j'ai brûlé à feu doux après un start pourtant très bon qui me plaçait d'entrée de jeu en position dominante. Mais l'envie de ne pas voler avec la grappe, de jouer au paria, m'a fait poser minablement après 17 kilomètres de vol, et 30 minutes de tournoiements désespérés proche du sol, en compagnie d'urubus tout aussi désemparés que moi, dans une ombre à faire pâlir la nuit.
Et aujourd'hui, je n'étais pas dans de meilleures dispositions au décollage, préférant la musique aux tumultes. Mais une colère bien au ventre...
Et puis le vol a repris ses droits, même si le premier tiers a été guidé par la colère, volant très bas devant le troupeau après le start, me retrouvant rapidement piétiné par une myriade de petits points collés aux nuages...
Après de longues minutes à survivre dans les bulles irrégulières proche du sol, je finis par m'extraire à moitié. Toucher le fond, pour mieux remonter. Tout un symbole.
Enfin seul, dernier de la course, je décompresse, profite de l'espace hors des grappes, me concentre uniquement sur les cumulus et le sol. Je ne regarde même plus la tête de course, réduisant ma vision aux seuls facteurs proches. La phrase de Steph, bien sentie, résonne dans ma tête : « maintenant, prends ça comme un entraînement ».
Après un nouveau point bas, je tombe enfin dans un cycle un peu meilleur et me rapproche de quelques groupes isolés, de petites tailles. Ils vont me permettre de passer dans un schéma de vol que j'apprécie particulièrement : la poursuite.
Petit à petit, l'excitation de la course me happe de nouveau. Revenu au nuage, je peux lancer l'assaut vers l'avant. Ma vision s'élargit de nouveau, le groupe de tête a perdu du temps. Tout peut encore arriver.
Je n'hésite pas à voler bas, me laissant rebondir dans les bulles, utilisant un maximum les lignes pour revenir sous le groupe. Je ne m'arrête plus qu'au dessus de 2,5m/s, négligeant le reste, soignant au maximum mes replacements en thermique.
Enfin je me retrouve, libéré, comme au début de cette compétition où je me sentais si bien.
Je passe dans les pieds du second groupe, pour aller chercher un déclenchement plus loin dans les collines. Je tape dans le tube, enroule, regarde devant.
L'accélération est perceptible vue d'ici. La ligne vers le goal est marquée par de magnifiques cumulus. J'arrête ma montée, et file aux trousses du premier groupe (juste le temps de faire un coucou à tonton Jean-Jean) qui n'a pas encore accéléré la cadence, alors que le second groupe s'attarde dans un thermique qui me semble inutile.
Devant, les premiers enroulent. Je passe sous leurs pieds alors qu'ils repartent en avant. Il ne me reste plus qu'à compenser les 200 mètres verticaux qui me séparent d'eux par quelques bonnes lignes, facilement lisibles tellement la confluence est généreuse.
Les jeux sont faits, la fin est une formalité toute accélérée. Honorin passe la ligne en premier avec classe, Yassen gagne la manche grâce à ses attaques.
Je rentre avec le 7 ou 8 ème temps, mais mon défaut de leading bonus me relègue à la 17ème place. Mais ce soir, j'ai retrouvé un morceau de sourire. Un peu.
Mon objectif maintenant est de finir les trois manches qu'il nous reste à courir, dans le même esprit, avec l'envie de voler, et le viseur pointé sur Valle de Bravo.
En tout cas, essayer. Laissez la politique aux politiciens, rien ne s'arrangera, mais vous aurez l'esprit libre, si votre conscience vous le permet. Faire comme certains, comme si de rien n'était...